vendredi 23 septembre 2022


   Le cycle agropastoral des traditions des Ait Hdiddou   

(Itinéraire d'un circuit socioculturel)                                            

                                                   TROISIEME PARTIE


-Introduction

            Nous voilà enfin arrivé à cette partie de notre écrit où, comme le voulaient bien les vieux de la tribu, l'espéraient toujours ses sages et ses gardiens les plus conservateurs de leurs traditions, et de toute pièce chère du patrimoine culturel local, longtemps préservé intact aux sommets des hautes altitudes; eux qui savaient bien, au cours de longues péripéties…et au prix de diverses frictions… et de luttes concomitantes et intertribales, ou de résistance comme celle menée contre l'occupation Française, la valeur du temps investit, et des efforts historiquement déployés à travers des siècles, pour broder et tisser continuellement l'ensemble des liens sociaux, secrétant culturellement par conséquent, toute une gamme de croyances et des mœurs organisant leur social; l'on peut assister paisiblement et avec grand respect, à un défilement solennel et cyclique de ces coutumes et de ces traditions ancestrales, émaillées par tant de gestes et de rites, œuvrant à la symbolique d'une culture spécifique, et d'un carnaval annuel sensationnel, qui ne finit, qu'on préparant la société locale à un nouveau élan, pour se voir recommencer et relancer son processus, sans jamais renier ni s'en lasser…lors de chaque festivité, de rencontre sociale, ou de recueillement, cherchant à doter et à marquer périodiquement le cycle annuel de cette vie sociale communautaire, par de petites pauses ponctuelles, dans le rythme d'un temps essentiellement spatio-agraire et pastoral…                         

            Cette culture donc, avec toutes ses croyances et ses mœurs, serait-elle toujours capable d'apporter remède et de gérer à bien, au niveau psychosocial, l'impact passif d'un tas de problèmes délaissés et accumulés depuis longtemps, faisant les résultats médiocres de toutes les instances administratives proclamant incessamment: proximité,  promotion et développement du monde rural. Ou du moins, adoucir et assouplir leurs conséquences lourdes, en cas de difficultés majeurs, résultant d'un échec probable et fatal des politiques de réforme dans les hautes altitudes, et au niveau local…? Surtout quand il s'agit des traditions pareilles à celles des Ait Hdiddou, connues par leur ampleur de sens, marquées par leur caractère de sagesse, ne cessant d'alimenter leur système de valeurs, en normes morales de solidarité et de collaboration… servant de principes et de moyens éthiques pour une autorégulation sociale. Ce qui rend la plupart même de ces coutumes, en faveur de leur vie sociale, et au profit de leur être. Puisqu'elles avaient toujours entre autre, pour fonction, de panser soigneusement les plaies et les souffrances d'un corps socialement trop lésé et sous-estimé,  face à d'énormes inégalités, quant aux autres régions du pays, mieux adaptées, ou plus ou moins équilibrées et intégrées…

1 - S.O.S Culture et mémoire des Ait Hdiddou ?!

            A travers cette interrogation, nous pourrons nous demander maintenant, quelles sont par exemple ces coutumes et ces traditions, constituant l'édifice culturel cher à la population locale, pouvant lui rendre joie et bonheur, en essayant toutefois d'écarter les malheurs intertribaux, et de désamorcer les effets néfastes, des problèmes ruraux liés aux mécanismes de divers facteurs tel: le facteur géoéconomique, politique, administratif, scolaire et sanitaire? Car à chaque échec social des politiques socioéconomiques, du au dysfonctionnement et à la dis concordance entre ses facteurs supposés complémentaires et corollaires, correspond inévitablement de nouveaux reculs sociaux… et davantage replis sur soi-même, pour une population restée fort longtemps désavantagée, et une région visiblement enclavée !

            Parmi ces coutumes donc on peut citer: Agdoud, les mariages collectifs, Ikhtan ou la circoncision collective, Taqarfiyt et ses divers soubassementsAhidous et ses genresLa solidarité sociale, à l'occasion des obsèques et des recueillements funéraires etc.… 

1 -1- Agdoud: 

- Introduction à la plus gigantesque

 tradition de la région:

           Quand on dit Ait Hdiddou, notre esprit ne peut être qu'automatiquement téléguidé vers le fameux rituel d'Agdoud: Phénomène majeur local, et père de toutes les traditions ancestrales. Cet Agdoud, conçu jadis comme seul repère, et   unique moyen pour s'ouvrir sur le monde environnant, sera désormais appelé à défaut par des étrangers à la fois internes et externes: (Souk Aam): marché annuel, ou encore festival des fiançailles, ou certains visiteurs mal informés, et ignorants des cultures des autres, croyaient voir incompréhensiblement achat et vente de femmes aux enchères…Mais lui, Agdoud ne sera jamais qu'Agdoud, et déjà l'on disait que la traduction risque d'être une trahison.

            Hélas les souks hebdomadaires sont nombreux dans la région: le samedi à Imilchil, le dimanche à Outarbat, le lundi à Bouwzmou, et le mardi à Ammouguer. De plus la nomination de: (moussem) n'a rien d'Amazigh et de local comme signification…  

            Pour la tribu des Ait Hdiddou: (le moussem d'Imilchil…), réduit malheureusement à une vision restreinte de clichés négatifs, (…n'est pas un simple événement, c'est un rassemblement à triple vocation: commerciale, sociale, et religieuse) (1). Et l'on continue à s'étonner…!

1- 2- Dépistage de mauvaises interprétations sur Agdoud:

            Agdoud dit, de Sidi Hmad Oulemghanni, saint et marabout local, au quel est attaché son nom, a subi trop de falsifications au niveau sémantique, qui lui ont fait perdre son authenticité et son charme, dont il faisait l'objet, depuis des temps reculés.

De nos jours, il est devenu victime d'une inflation sémantique, et d'un discours gonflé et contourné par l'imaginaire touristique et commerciale. Or à cela vient s'ajouter l'absence d'une compréhension rationnelle de l'autre, chez les visiteurs rongés par l'ignorance vis à vis de l'essence de la culture et des traditions des Ait Hdiddou, existentiellement intact, jusqu'à nos jours.

Néanmoins, c'est l'âge de la marchandise et de la consommation, en tout cas miséreuse… Ou tout est prédisposé à être dévoré, pareillement à des produits commerciaux sans âme et sans distinction.

Mais le rituel d'Agdoud lui, restera toujours ce qu'il était et représentait pour ces vrais propriétaires: un grand héritage ethnoculturel à dimensions sociales, économiques, et culturel qui avait historiquement œuvré pour le rapprochement des fractions tribales, les unes des autres en but de consolider leurs acquis traditionnels communs. Il est donc une chapelle qui coiffe toutes les autres coutumes, en perpétuant la vie et l'existence d'une ethnie.

Agdoud, c'est encore un moment opportun dans le circuit annuel,  ou les Ait Hdiddou assoiffés de faire en hâte divers inter échanges en fin d'été, se réunissent au cours de toute une semaine, sur la place du hameau des Ait Amar au bord de l'assif Melloulen. Aussi saisissent –ils cette occasion, très chère à eux pour rendre visite au temple de leur plus ancien saint local.

1- 3-Agdoud carrefour tribal de multi-reproduction:

        Chaque année les Ait Hdiddou, notamment ceux des Ait Brahim et des Ait Iaazza, grandes fractions tribales, procèdent, pendant ce merveilleux séjour, à des activités de libre échange et de marketing, concernant leur cheptel, le bétail et les mulets, sans oublier aussi la commercialisation des céréales et d'autres marchandises de l'artisanat, issu de la laine, comme: les mentes, les burnous, les djellaba, les tapis locaux etc. …

Bref ils vendent ce qu'ils produisent, façonnent localement, et achètent ce qui leur vient des marchés externes, surtout les matériaux industriels et métalliques, comme: les outils de travaux agricoles, et d'autres accessoires et ustensiles à usage domestique…

Toutes ces activités de vente et d'achat se passent, à l'occasion d'Agdood, en dépêche et presque inconsciemment, avant même que l'été minime des montagnes difficiles, ne se faufile brusquement. 

Ce qui est frappant à cette belle occasion d'Agdoud, ce ne sont pas les affaires de marketing, ni même les fiançailles et leur taux de participation variant chaque année, mais c'est surtout la question suivante: pourquoi une telle manifestation grandiose à un moment précis du circuit annuel? Autrement dit pourquoi pas pendant l'hiver ou autre saison de l'année comme le printemps?

Chaque année, et comme il y'a bien longtemps, ce n'est qu'en fin d'été et du mois d'Août, bien entendu, que les Ait Hdiddou s'apprêtent à célébrer la fameuse rencontre cérémoniale d'Agdoud, précisément au début du mois de septembre, chose pour laquelle ce mois même est appelé localement et communément Bouwgdoud. (le mois d'Agdoud). 

Après avoir terminé les toisons des moutons, moissonné leurs céréales, et ramassé leurs récoltes annuelles, les pauvres paysans, ayant empoché un revenu modeste offert par une économie d'infrastructures encore archaïques, se préparent maintenant à célébrer les fêtes de mariage collectif de leurs enfants, soit pendant les jours mêmes des festivités pendant lesquelles se déroule Agdoud, ou juste et continuellement après les jours qui suivent, une fois de retour au sein des hameaux, en quittant les lieux d'Agdoud. Et cela bien sur tout au long de la saison de l'automne avant que les températures ne baissent…        

Agdoud donc, comme rituel collectif, est un élément déclencheur des autres coutumes et traditions. Les mariages se font pour reproduire la même ethnie qui sera encadrée par les mêmes mœurs et coutumes, avec bien sur des moyens très humbles, et loin de toute artificialité comportementale.

        Contrairement à ce que l'on peut observer aujourd'hui dans certains villages, et voir dans des milieux devenus à peine urbains… ou l'esprit matérialiste au sens le plus bas, gouvernent toutes les valeurs, là encore, on se laisse entendre de temps à autre que la fille de tel ou tel, a reçu à l'occasion de son mariage, une dote s'élevant à quelques millions de centimes, plus bien sur des cadeaux extraordinaires offerts à la fiancée. Certainement ce n'est que de la pure propagande d'un esprit qui se veut bourgeois et publicitaire, mais de quelle bourgeoisie s'agit-il, lorsque on assiste à un pauvre citadin, ouvrier ou fonctionnaire engoncé, malgré lui, dans un mariage bourré de formalité et de protocole excessif, et noyé dans des crédits infinis, même après un éventuel échec de cette entreprise, menant à un divorce précoce?

            Pourquoi tout cela? Est-ce que le mariage vaut vraiment toutes ces peines? Faut-il payer tout ce prix pour être fidèle à une telle aliénation de culture et de tradition dans ces milieux urbains? 

            Chez les Ait Hdiddou, c'est tout à fait le contraire, on ne marchande pas avec ses valeureux enfants, soit en ce qui concerne la dote due à la fiancée, en tout cas symbolique, ou vis à vis des frais raisonnables qui doivent couvrir son habillement d'une part, et le financement à chacun de sa fête de mariage chez soi. La règle du jeux dans ce domaine, nettement différent, quant à la réalité sociologique des centres urbains, est tout à fait claire et connue: dans un contexte économiquement, socialement sur mesure, et ou le niveau de vie des habitants est semblable, la formule du mariage, pourrait donc être ainsi résumée et décrite: on ne demande pas trop, parce qu'on ne donne pas trop.

Chose qui va de soi même, tant que l'équilibre trouvé dans ce genre de société, forme le même diapason commun de toute la population.

            Cette façon d'agir et de se comporter, reflète profondément la nature du contexte social des Ait Hdiddou. Conscient honnêtement de leur statut socioéconomique, des relations ethniques qui les réunis, et des valeurs historiques qui en résultent, ne veulent ni ne peuvent adopter un esprit de coutumes et de traditions pareil à celui qu'on vient de décrie avant, dans les milieux urbains, où les frais d'un mariage, devenu aventure, sont à bien calculés. Par contre dans ces montagnes ou, simplicité et pauvreté sont le dénominateur commun de tout le monde, et où l'idée de pauvre ou de riche est très brumeuse, on perd certes, un peu le confort du matériel, mais on gagne surtout la sagesse du spirituel et l'honneur d'appartenir à sa tribu/mère.

            Voilà donc comment Agdoud, conclusion cérémoniale du circuit annuel, plein d'efforts et de travail à essence agricole et pastorale, peut être un grand moment de plaisir, ou chaque individu tel qu'il soit, et d’où qu'il vient et dérive peut y voir en lui, un symbole cyclique de la consolidation de l'être, et du grand rassemblement tribal des Ait Hdiddou, en vue d'accéder au libre-échange, allant des relation de consanguinité et de parenté, de filiation patrilinéaire, jusqu'aux autres liens qui renforcent et appuient leur existence, tout en perpétuant la vie d'une ethnie, à la merci de la haute altitude des montagnes chauves, du froid glacial permanent, et de la misère rongeuse, sous les yeux des visiteurs multicolores venus chaque année, de tous les recoins du monde.

1- 4-Agdoud outil et moyen culturel d’interaction avec autrui:                                                                       

            Au cours de son déroulement, les Ait Hdiddou traduisent leurs joies par des  danses folkloriques et chants musicaux interprétés par de nombreuses troupes…locales et des régions voisines, sans oublier aussi les quelques pièces théâtrales, de comédie surtout, présentées et jouées à cette occasion, notamment par les imminents Imdyazen: comédiens et célèbres chanteurs de la région des Ait Ihya: autre ethnie Amazigh à proximité de la région d'Outerbat, située au Nord Est de la montagne Berdouz, ayant presque les mêmes caractéristiques de vie que celle des Ait Hdiddou. Ceux-ci, les Ait Ihya, sont très expérimentés dans le domaine de la poésie et du théâtre en plein air, ils ont une longue tradition dans ce domaine, qu'ils maîtrisent, à ne citer que les deux frères poètes et musiciens: Lissieurs. Parfois même accompagné d'un musicien et comédien traditionnel, appelé Bouwghanim, relativement au type de flutte, fabriquée en roseau, à laquelle il jouait dans le haut Atlas. 

Chaque année, parmi les musiciens: (Chioukhs) célèbres visitant Agdoud, ceux des Ait Ihya surtout, inaugurent cette cérémonie par de nouveaux albums de chansons, ou quelques pièces théâtrales de comédie. 

Ces chanteurs très connus, arrivent grâce à leurs efforts artistiques continuels, et reconnus par les habitants de la région, à animer toute la foule qui les entoure en semant la joie sur scène.

Ainsi, arrivent-ils au bout de chaque séance de travail, à mettre tous les spectateurs de la population participant à Agdoud, en poursuivant leurs œuvres mélodiques et artistiques, au courant des nouveautés thématiques de chaque année dans divers domaine, et au point de l'actualité. Pourvu qu'ils peuvent être comparés à des troubadours, sillonnant les montagnes et les vallées, d'un hameau à l'autre, depuis fort longtemps, entre Imilchil et les vallées de Ziz à Rich; et à des porte-parole des autres habitants fixes dans leurs hameaux, ne se déplaçant que rarement, afin de s'informer et de savoir communiquer avec le monde extérieur, en participant de près ou de loin à sa marche vers l'inconnu…

C'est vraiment merveilleux et innocent, ce monde spectaculaire d'Agdoud ou, poètes, musiciens et comédiens troubadours, œuvrent inlassablement à alléger les souffrances des spectateurs, et à apaiser les tensions tribales, en désenclavant les esprits de leurs enclos, pour s'ouvrir sur des horizons larges, et pleins d'enthousiasme représentant le fruit de tant d'efforts artistiques pénibles déployés par ces artistes à chaque fois qu'ils sont libérés de leurs durs travaux agropastoraux. Ces artistes que l'on peut comparer à une intelligentsia locale.

C'est tellement fantastique, cette belle cérémonie, commémorée depuis longtemps au service de la spécificité ethnoculturelle de l'Etre des Ait Hdiddou en vue de faire persévérer et de maintenir intact tout un patrimoine largement historique.  

        Mais c'est bien dommage et malheureux aussi, cette conversion continuelle d'Agdoud, aujourd'hui, en un produit purement matériel, voué uniquement à la consommation touristique, ignorant toutefois ses autres vocations et dimensions et ne laissant derrière, en fin de chacune de ses éditions, que mépris et regret de la population locale. Cela ne se passe pas sans blessure d'âme et de sentiments, soit de quelques visiteurs conscients du fait, et soucieux de ses conséquences et de ses retombées psychosociales, en tout cas négatives, quant à l'atteinte et au manque de respect envers les personnes et le patrimoine culturel local, soit vis-à-vis des habitants de la région, pour qui ce patrimoine national faisant partie de leur histoire et de leurs cœurs, souffres aujourd'hui d'une continuelle dégradation, ce qui est manifesté par le freinage de leur gigantesque participation, autrefois active et massive.

Aujourd'hui, on assiste à un fossé profond, qui se creuse inconsciemment, entre l'ancienne image nostalgique d'Agdoud gravée dans la mémoire des vieux autochtones, et celle reflétée aujourd'hui, suite à des changements négatifs, qui n'ont fait de ce rituel collectif, qu'un simple marché purement économique, ou le poids de l'appareillage audiovisuel des touristes, tombés sur les têtes, et celui des impôts et des mesures fiscales semblent devenir un vrais obstacle et handicap, devant la célébration spacieuse et spontanée de ces festivités, ou rituels et coutumes, s'interpénètrent et s'enchaînent, faisant appel les uns aux autres, sans jamais laisser leur maîtres à l'arrière-plan. Car comme disait Abdella Laroui: (ce n'est pas le peuple qui se regarde lui-même dans ces festivités folkloriques, cette ère est finie depuis longtemps, mais c'est la grande et la petite bourgeoisie citadines, qui viennent applaudir ces expositions comme des touristes étrangers ordinaires(2).                     

Cette situation et image inquiétante de ces dernières années commençait à choquer la population locale, surtout les jeunes, s'interrogeant toutefois sur ce qui reste des objectif essentiels de cette cérémonie traditionnelle? Ce qui a mené au recul des habitants, et à la diminution du taux de leur participation. Et c'est ce qui a été  aussi observé et rapporté, depuis quelques décennies, par tant de chercheurs dans ce domaine. Écoutons par exemple David.M.Hart parlant de ce fait et du changement qu'a du connaître cette manifestation d'Agdoud: il affirme que:« les fêtes de mariage collectif chez les Ait Hdiddou, près d'Imilchil, sont parmi les riches champs culturels, par rapport au chercheur social »(3).

 Mais, ajoute-il:« après mon retour à Agdoud, en septembre 1961… j'ai remarqué que le ministère du tourisme a du s'emparer de ces fêtes, depuis le début jusqu'à la fin. Il a ainsi réussi à les transformer en une exposition de marionnettes sans vie, pour une cérémonie folklorique qui était autrefois un rituel social vivant et collectif »(4). 

Un autre témoignage vise aussi à jeter un peu de lumière, sur ce malheureux sort connu aujourd'hui par Agdoud. Il s'agit notamment de ce que rapportait un article de Mohamed Bahri, paru dans la revue Tifinagh (n°1). Pour lui, leur professeur d'histoire et de géographie à Ksiba, Monsieur Cabane, qui était un fanatique d'Agdoud n'Sidi Hmad Oulemghanni, assistant, depuis son arrivée au Maroc, et sans en rater une seule édition, à onze manifestations successives.« (… ) Préparait à l'avance sa participation à Agdoud, mieux que ne le faisait un autochtone des hautes montagnes, et la vie de notre professeur dit- il, entre un Moussem et un autre, n'était qu'une longue attente du prochain (…)». (…)Puis, subitement, ajoute-t-il,«(…) au beau milieu d'un moussem (…) qu'il ne se rappelait pas,« (…) Monsieur Cabane décida de ne plus y remettre les pieds (…) de ne plus même en parler (…).« Notre professeur » dit-il:« se désintéresse complètement de cette festivité comme si elle ne se tenait plus (…), Il interdit même à ses étudiants d'y faire allusion ».(5) 

            Plus loin encore dans un autre paragraphe du même article, l'auteur ajoute:« ce qui se passe donc sur les Igoudal n'Ait Brahim, n'est plus porteur d'aucune authenticité, ni d'aucun cachet local ».(6)                               

            Hélas, Agdoud a dans tous les cas subi une grande mystification, en comparaison avec ce qu'il représentait de merveilleux autrefois. Car qu'est-ce qu'on peut bénéficier et attendre aujourd'hui d'une idée stupide et d'un jugement stéréotypé, parlant de vente et d'achat des femmes, à l'occasion de cette grande manifestation historique, à vocation ethnoculturelle en premier lieu, faisant d'Agdoud un certain phénomène social total, si l'on se permet l'expression de Marcel Mauss, parlant et traitant du phénomène du Don, comme phénomène social total…C'est vraiment bizarre! Et à mon avis, rien qu'une vision simpliste et superficielle, qu'un ensemble de visiteurs maladroits et mal informés projette sur un fait social et de tradition propre aux autochtones, qui restaient toujours cet autre bien étrange et inconnu par rapport à ce type de visiteur.

        C'est une idée aussi difficile à entreprendre, faute que ces auteurs sont trompés jusqu'aux os, à cause de l'ignorance des particularités culturelles des autres populations formant une partie essentielle de cette mosaïque qui constitue le tissu socioculturel global de notre pays. Tant de choses sont encore à dévoiler, et à faire l'objet d'une nouvelle éducation… dont de grands travaux de recherches ethnologiques peuvent s'y investir, pour disloquer le vrai du falsifié d'une part, et faire découvrir en outre, les nœuds et les connexions  du rituel et du mythologique, en essayant toutefois de savoir à quel point se croisent et s'entrecoupent leurs symboliques, d'où l'importance d'une mythologie locale.

2- Les échos d’un mythe:  

    Pauvre visiteur! le savoir et la vérité ne se cueille pas si vite en passant à l'éclaire, et dans moins d'une semaine, sur le plateau de l'assif melloul, surtout face à toute sorte d'obstacles auxquels on doit s'attendre: sociolinguistiques, culturels, symboliques… sur le territoire de cet autre. Le mariage chez les Ait Hdiddou, que nous aurons bien à détaillé ultérieurement, comme l'une des grandes traditions locales, reposant sur une large plateforme culturelle spécifique, est une longue histoire ou, le mythe y sert de couronne, tout en occupant une place illuminante dans l'histoire locale. Et en représentant l'un des grands motifs de la tenue annuelle d'Agdoud. 

        N'avez-vous jamais entendu parler du mythe d'Izli et Tizlite: (Isli et Tislite)* en d'autre termes amazigh, Le fiancé et la fiancée? L'histoire mythique d'une jeune fille et d'un jeune homme qui s'aimaient follement depuis longtemps… mais décidant de se marier, leurs parents leur ont refusé d'accepter leur mariage, sous prétexte…qu'ils sont encore trop jeune pour une telle entreprise, et qu'il doivent encore savoir attendre et se patienter… 

Privés de l'accord parental, et déchirés par la violence d'un amour mythique, ardent et exceptionnel, les deux jeunes amants choqués, devant cette situation de détresse, se séparèrent et se laissèrent emportés désespérément par la tempête de leurs larmes, qui les noyait séparément dans les deux lacs de la région, portant même jusqu'à nos jours, les noms d'époux: (Izly) et d'épouse: (Tizlite). Le lac s'appelle localement Izly: (Isly), masculin… revenant comme propriété d'usage pastoral à la tribu des Ait Brahim, or la laquine appartenant à la tribu des Ait Iaazza porte le nom féminin de Tizlite:(Tislite)…       Chacun d'eux avait profondément pleuré sa malchance et son tragique destin, loin de l'autre, jusqu'à s'être englouti et submergé par ses larmes qui formèrent aussitôt un lac tout autour de lui. 

Ces deux lacs: Izly des Ait Brahim et Tizlite des Ait Iaazza, existent vraiment, et continuent d'exister à quelques kilomètres aux environs d'Imilchil, ou ils forment deux régions humides et touristiques de la région. Tandis que les deux amants Isly et Tislite, s'y noyèrent discrètement, et se quittèrent loin à jamais, dans les ténèbres des temps et de l'histoire, avec leur mythe, que certains qualifient (de création d'imaginaire probablement touristique)*, même si cette histoire et ce mythe ont été repris récemment sous d'autres angles, essayant à chaque fois, par différents moyens et à l'aide de nouveaux témoignages, de voir dans quelle mesure et à quel point ce mythe peut-il ou non s'inscrire dans le cadre d'une mythologie locale. Mais voilà qu'un jour, et comme pour prouver la véracité de l'appartenance de ce mythe au patrimoine culturel des Ait Hdiddou, une femme âgée faisant partie de mes informateurs, interrogée à ce sujet, et basée sur la tradition orale ancienne de sa communauté à Outtarbat, m'a appris que les femmes, au sujet du mariage, se disaient depuis longtemps, afin de ne plus revoir leurs enfants vivre l'expérience de la même tragédie d'Isli et Tislite :(accordez à vos enfants le consentement d’accomplir le mariage qu'il choisissent librement et qui les plait, sinon, leur sort sera pareil à celui qu'a connu Isli et Tislite). Ce qui veut dire pour cette dame, que les parents des jeunes amants, et des nouveaux couples qui cherchent à se marier et à former de nouveaux foyers se donnaient délibérément à des discussions et à des négociations avec leurs enfants, au sein de leur foyers, pour décider ensemble de cet accord pour le mariage, avec toutes les mesures et les précautions que cela nécessite, tout en réinitialisant à chaque fois le mythe d'Isli et Tislite, qui guette dans l'inconscient collectif de chacun, tout désaccord des parents, et échec de l'entreprise des jeunes époux par la suite…     

        Aussi doit-on ajouter que, chaque année et à chaque cycle de mariage, ces nouveaux couples  reçoivent dans la majorité des cas ce visa parental pour leur mariage, et les quelques rares cas qui restent, font des exceptions à la règle générale, ceux-ci doivent être prêts à tous les défis, prêts à se sacrifier, et savoir supporter leurs malheurs et amertumes, puisque la chance de rester à l'abri des conséquences dramatiques d'un tel mythe, suite à la non reconnaissance par leur familles de ces enseignements historiques, et des conseils échangés au sein de la population à son sujet, est fort manquée.   

        Une autre version tout à fait nouvelle et complètement différente, à propos de ce mythe, vient de faire son apparition ces dernières années (90), chez un écrivain marocain, Mohamed Bahi, parlant et évoquant cette fois ci, l'histoire d'un ancien prince appelé Imilchil, venant de la région de Taza pour se rendre aux environs de la région d'Imilchil, avec/ou à la recherche d'une fille appelée Tislite…!?      

            Et puisque nous n'avons pas d'informations suffisantes sur cette nouvelle version, qui n'a suscité que des doutes jusqu'à présent, ce mythe lui-même et son histoire d'Isly et Tislite, serait encore suspendu, oscillant entre l'acceptation méfiante et le refus douteux.   

Néanmoins, que ce mythe et son histoire, soit vraiment une partie ancienne de la légende locale, mais restée difficilement connue et reconnue,  quant aux vestiges et aux déperditions de certains fragments culturels, au niveau ethno-paléontologique, d’où, possibilité d'abondement, d'oubli par la population, ou qu'il soit encore, selon certain, création fictive de l'imaginaire actuel, véhiculée de nos jours pour servir de propagande et de publicité touristique dans la région*, visant à des fins commerciales, liées au (festival des fiançailles).Nous n'avons qu'a laissé de côté sa face, et sa partie légendaire et surnaturelle, pour voir et cerner profondément, à travers les strates et les structures internes de l'inconscient collectif, ces significations symboliques, et ses dimensions anthropologiques concrètes, qui s'enracinent dans le sol de la réalité sociale. Puisque là encore, le mythe et le rite, ne sont parfois que les deux faces d'une même monnaie. Mais sans que cela signifie mécaniquement, qu'a chaque mythe correspond obligatoirement un rite et vice versa… C.Lévy.Strauss se proposait lui-même à ce sujet, de montrer, en se fondant sur un exemple précis de mythes, rendant compte des pouvoirs chamaniques chez les tribus des Pawnee des plaines de l'Amérique du nord:« que cette homologie n'existe pas toujours; ou, plus exactement qu'elle pourrait être, quand elle existe, un cas particulier d'une relation plus générale entre mythe et rite, et entre les rites eux-mêmes »(7). De plus l'entrée en scène de la version autre, d’un certain M. Bahi parlant de l'histoire d'un ancien prince nommé Imilchil…a rendu plus complexe et ambiguë la vérité de ce mythe et de cette histoire.      

2- 1- Parachutage d’un mythe sur le sol de la réalité sociale:     

  A vrais dire, ce à quoi nous allons avoir affaire maintenant, est une opération, visant à un certain parachutage du mythe d'Isly et Tislite, sur le sol de la réalité sociohistorique locale, et d'une relation sociale d'échange la plus remarquable et importante dans la reproduction des liens organisant la vie sociale des individus et de leur tribu.

            Généralement, la thématique centrale de ce mythe, qui est naît d'un champs spécifique de liens sociaux: celui des relations affectives et d'amour, qui s'inscrivent dans le cadre des préparations au mariage et à la vie future,  entre jeunes époux et épouses d'une tribu en vue de former de nouvelles familles et de nouveaux foyers, est à prendre, en grande considération, vis à vis de tous les éléments avec lesquels ils entrent en interaction. A savoir: les liens de parenté,  les spécifiques relations existantes entre différents lignages, et fractions tribales, leurs divers engagements, puisque en fin de compte, ce sont ces relations même en but de mariage et leurs codes sociaux, qui forment la pierre angulaire, et le grand maillon de la chaîne sociale, permettant au-delà des autres types d'échange, de préserver les relations de consanguinité dans leur meilleur cours et cheminement, afin de garantir à l'ethnie la préservation de sa singularité, son identité, sa spécificité culturelle, et perpétuer son existence entre différents clans et cantons tribaux. Il est donc claire, que chaque couple qui cherche à se marier, doit d'abord, vérifier auprès de ses parents, si toute la gamme de ces relations, des conflits, des contrats, de divers échanges entre familles, lignages, hameaux, fractions tribales, cantons tribaux, formant les piliers d'une structure mère qui est la tribu, sont en parfait état de symbiose et d'harmonie, afin d'avoir le consentement des parents à ce mariage, qui sera dès lors toléré et encouragé. Car dans le cas contraire, qui est rare généralement, on peut assister parfois à des mariages unilatéraux, menant à des défis des parents et de leur stratégie, par quelques-uns de leurs jeunes enfants, se sentant un peu capable de manœuvrer et d'aller jusqu'au bout, pour faire échec aux décisions et aux interventions de leurs parents, surtout s'ils commencent à jouir d'une certaine autonomie économique. Ce qui peut mettre toute la famille en deuil, et dans une impasse, en semant le désordre qui allait bouleverse l'équilibre des relations entre familles… Que faut-il faire alors dans de tel cas? faut-il accepter amèrement ce type de mariage réfuté et indésirable, d’où une fiancée et sa famille imposée par le fils à la sienne, avec tous les changements des relations que cela puissent engendrer, à savoir la redéfinition de tous les liens existant entre les deux familles avec leurs lignages et cantons tribaux auxquels ils appartiennent, tout en se préparant à supporter tous les maux d'un malaise social et moral induit…Ou refuser catégoriquement cette entreprise, et sa situation étrange, pour se voir réactualiser involontairement et inconsciemment, le mythe et la même scène et histoire d'Isly et Tislite, et réincarner les esprits des dieux de l'amour mais cette fois ci, sans que les deux amants échoués, puissent en regénérer autant de lacs, par l'écoulement incessant de leurs larmes…Bref, ces relations affectives et sentimentales, faisant parfois, preuves de difficiles et romantiques amours, entre les jeunes des deux sexes, trouvent bel et bien leur sol, et leur terrain fertile, sur la plateforme d'un phénomène ethnoculturel et d'un rite de dressage social appelé Taqarfiyt.            

3 -Taqarfiyt: composante socioculturelle spécifique        

d’une anthropologie locale     

            C'est une autre tradition, qui représente un ensemble de règles propres à son fonctionnement, se déroulant, socio-culturellement, dans un champ, spécifiquement tribal. Que veut dire donc Taqarfiyt? Quels sont ses mobiles, ses fins et ses objectifs conscients ou inconscients auxquels elle aspire? Quels sont les individus et les catégories sociales attirés et concernés par ses motifs? Enfin quelles sont ses règles morales dignes de respect, qui forment les structures latentes de son rituel? Quels genres de positions peuvent adopter les jeunes de chaque hameau ou tribu, lors des litiges et des transgressions relatifs à la pratique de ce rituel? En effet, Taqarfiyt est un phénomène socioculturel, concernant les discussions et les querelles amoureuses, entre jeunes hommes et jeunes femmes divorcées ou veuves, pour qui ce droit de taquinement est exclusivement réservé. Et si certains essayent étymologiquement, et préfère sémantiquement lier ce phénomène au nom d'Aqraf, d'où il dérive, et qui veut dire: le froid, pour limiter son usage à une saison hivernale de camouflage derrière l'Astta: (le tissage de laine) et au près du feu dans un Ahanou:( chambré ou salon), la prolongation de sa pratique en plein air, et son étalage sur toutes les autres saisons de l'année, surtout le printemps dans les champs, et l'automne à l'occasion des fêtes de mariage; lui offre, à mon avis, une large signification, qui s'étend  jusqu'à douter même des rôles que peuvent jouer alternativement ses acteurs et leurs fonctions, dans un champ de relations thermodynamiques, dont on ne sait enfin de compte, sur le plan de ses échanges thermiques, qui échauffe qui? Qui  offre la chaleur à qui? Et qu'est ce qui fait que tous ces amours ne font que refroidir, soit en plongeant finalement dans un mariage à distance de toutes ces aventures, ou en continuant à faire baigner quotidiennement une chaleur libidinale dans le froid des discours d'amour et de leurs sublimations… ?                                                                                                                        Après leur divorce, ou la mort de leurs maris, ces jeunes femmes sont maintenant libérées de toute autorité conjugale, elles peuvent donc jouer à Taqarfiyt. Autrement dit, parce qu'elles sont devenues Timdgal: (femmes divorcées ou veuves), ces jeunes femmes, maintenant libres et détachées de toute responsabilité conjugale, se donnent avec fierté, et de plein cœur à Taqarfiyt. Ce phénomène de taquinement et de discussions amoureuses se pratique dans les champs, au moment des travaux agricoles, ou au sein du hameau, au début du soir. Cette tradition se pratique massivement en petits groupes de jeunes pendant les occasions de grandes réunions de joie, ou quotidiennement par quelques individus isolés dans les champs çà et là.   

Les discussions relatives à ce genre de phénomène mis en jeu, jouent un rôle de soulagement psychoaffectif, aidant ces jeunes pratiquants de Taqarfiyt à échapper au poids pesant de toutes sortes de refoulement. Cela se fait en groupe d'individus nombreux, pendant les fêtes de mariage surtout, ou parfois uniquement, par quelques rares couples dans les champs, ou le soir pendant le tissage et le travail de la laine dans quelques foyers. Ses groupes peuvent être tantôt dispersés tantôt rapprochés les uns des autres, selon la nature de l'endroit, du milieu, et de l'activité à laquelle se donnent ces jeunes. Mais une chose est sure, c'est que les regards d'autrui, le qu'en dira-t-on, même des familles des pratiquants de Taqarfiyt, n'intéressent personne. Puisque tout se fait en plein air, et rien n'est dissimulé qui puisse susciter les critiques des autres; et tant que tout ce qui se passe et ce dont il s'agit, tâche à bien respecter les limites tracées par la morale locale, et les normes représentant les bases même de cette pratique. Ainsi, et contrairement à ce que peuvent imaginer d'autres encore  à ce sujet, les discussions d'amour se limitent à leur aspect orale et théorique, tant que les risques… et les cas d'une telle mésaventure transgressant les normes locales de cette pratique, sont encore moins nombreuses et fort loin…        

        Taqarfiyt aussi, offre par son occasion, l'opportunité pour tout jeune encore célibataire, de choisir librement, par le biais d'une relation affective réussie, sa fiancée, et sa future femme bien aimée. Si parfois, des expériences de ce genre échouent, et on se voit retourner inévitablement à la case départ, Taqarfiyt reste malgré tout, une véritable institution sociale et culturelle, qui vise à instaurer des relations, et tisser des liens offrant aux jeunes le moyen d'acquérir une large culture affective et sentimentale, et une éducation sexuelle, pour l'avenir. Culture qui, vulgarisée et développée au fil du temps, par les rencontres quotidiennes, qui propagent énormément de savoirs et de techniques, relevant de tant de domaines: comme la poésie, l'art de maîtriser la communication à base d'un métalangage, plein de tournures linguistiques délicates au niveau sémantique, chose qui dépasse tout débutant et non initié, l'obligeant à savoir bien écouter et à apprendre progressivement le cursus pédagogique de cette discipline de Taqarfiyt. Pour la simple raison, que la spécificité thématique de ces discussion et négociations, empruntent souvent des schémas et des pistes intellectuelles ou le délire poétique et la sublimation font les ailes d'une navigation libidinale cherchant constamment à se libérer, et à  satisfaire pleinement les désirs infinis, et toujours  incomplets de chaque individu...Aussi  Taqarfiyt a-t-elle offerte par son occasion, l'accès aux divers échanges et apprentissages en matière de travaux agricoles, ou domestique, tel par exemple le tissage de la laine, l'artisanat, l'habillement et la coiffure, l'art culinaire…   

Taqarfiyt ne fait pas seulement partie du troisième temps chez les Ait Hdiddou, ou l'on cherche à trouver un petit moment agréable de repos, et du plaisir, en rigolant tous ensemble et en discutant, soit la main dans la main d'une femme Tamdgoult déjà enchaînée, nous écoutant parler attentivement, ou face à une autre qui cherche encore à prendre place, et à bien se situer au sein du groupe, jetant parfois des fleurs et faisant des compliments à quelqu'un parmi les jeunes hommes dont elle est séduite, Ou même se défendant humoristiquement en esquivant, pour échapper à quelques flatteries douteuses et aux critiques et  jugements injustes, lancés contre elle au moment des taquineries échangées avec un prétendant amant…  

Au sein de cette institution, qui est Taqarfiyt, comme champs d'action social, et ou le bien et le mal font les deux faces d'une même monnaie, l'enjeu est double, car parfois, les choses peuvent tourner mal, et on peut cultiver le malaise et L'anxiété, au lieu de la joie et du plaisir. Du fait que parfois, ces querelles affectives mal orientées ou gérées, mènent à des disputes entre individus, qui puissent engendrer des menaces et des contres menaces, allant jusqu'au-delà d'un hameau et d'une fraction tribale, et menant à des ruptures de relations sociales bilatérales entre jeunes de deux entités tribales différentes. Des malentendus et des conflits entre les jeunes de quelques tribus peuvent aussi surgir à cause des jalousies au sujet de Taqarfiyt entre hommes, ou femmes.     

Notre séjour au sein de ces communautés, nous a permis d'assister maintes fois, à ces conflits généralement horizontaux, entre les males de deux entités tribales différentes, aussi bien pendant une fête de mariage chez soi, ou hors de son hameau local, nécessitant un déplacement de tous les invités y compris bien sur l'élément féminin en compagnie, et surtout les Timdgal:  (jeunes femmes divorcées ou veuves); qui seront les bienvenues et attendues dans une autre tribu, chez les organisateurs de la fête, que pendant les travaux agricoles dans les champs.      

    Ses conflits et disputes pouvant surgir à la suite d'une intimidation des mâles ou d"une mauvaise gestion à base de Taqarfiyt, poussent les jeunes d'une tribu ou d'un hameau, se sentant humiliés via leur contingent féminin apte à Taqarfiyt, à des alliances et des contre alliances pour faire face et s'en prendre aux présumés ennemis, manquant de respect, de bienveillance, et de tolérance vis-à-vis des membres d'une entité tribale autre, ayant transgressé les lois et les règlements organisant ce rituel et sa pratique.              Ces querelles et malentendus entre jeunes de deux hameaux, voisins ou lointains, sont généralement dus au déséquilibre dans la gestion des règles et des normes qui régissent l'institution de Taqarfiyt. Sachant que ceux qui s'entendent  bien et qui jouissent au niveau de leur familles, lignages, hameaux, de bonnes relations ou de pacte de pacification entre les grands chefs de leurs tribus, puissent se permettre réciproquement l'accès mutuel à Taqarfiyt.  Autrement dit, ceci représente pour les jeunes et leurs clans tribaux le cadre  juridique générale qui leur garantis une telle pratique, quant à ce qui peut nuire au fonctionnement légale de Taqarfiyt, mettant une femme divorcée en furieuse colère, et parfois les males de sa propre tribu en deuil,  ce sont évidemment des comportements et des actes non permis et transgressant les mœurs locales telles: les tentatives de toucher aux différentes parties non autorisés du corps de la Tamdgoult, à l'exception bien sûr et uniquement de sa main, cette main qu'on cherchait, et qu'on peut demander un jour à sa famille symbolisant la clé de voûte pour toute entrée sociale. Une injure ou une insulte faite subie injustement suite à un malentendu… La trahison des  engagements, paroles et promesses non tenues… une maladresse ou désorientation au moment de la prise de contact et de parole pour communiquer avec une architecture que présente l'espace d'un corps féminin de topographie risquée par endroit… et caractérisé lui aussi par des permis et des interdis… 

Donc après tout cela, n'est-il pas tout à fait légal, voire banal, de rencontrer un jeune homme, ou adolescent quittant son hameau, et se déplaçant à quelques kilomètres à pieds pour se rendre dans un autre, ou il peut se distraire, pour un bon moment, en jouant à Taqarfiyt avec une Tamdgoult bien aimée, à laquelle il commence à s'habituer?     

Imaginons un tel déplacement, parfois même à une heure tardive du soir,  traversant des chemins sentiers caillouteux, tortueux, et boués quelques fois à l'occasion de l'irrigation des champs. On traverse presque tout le terroir et ces collines distantes pour échanger juste quelques mots d'amour avec une femme Tamdgoult dont on vient  de faire connaissance, ou pour chanter ensemble un morceau de musique bien connu, ou une chanson significative et bien adorée, portant probablement la trace et le souvenir du dernier Agdoud. Mais de toute cette nostalgie: allongés au bord d'un champs, ou assis sur un petit mur près de l'enceinte d'Ighrem , debout contre un autre ou prenant un peu congé des autres joueurs au même rituel dans un petit coin, ce plaisir de prendre la main de sa bien-aimée et de la caresser de temps à autre, tout en discutant de ses amours,  ses ambitions, ses rêves, est le « top désire » auquel s'affrontent les jeunes amants comme ultime barrière et obstacle de ce délire et de ses enjeux…Chose qui, peut-être, pousse ces jeunes à refaire toujours et inlassablement le même jeu et le même parcours de ce rituel, et raison même pour laquelle le retour éternel à Taqarfiyt, tant pour les nouvelles générations de jeunes, que pour ceux qui rataient à maintes reprises, l'occasion du passage définitif à la vie conjugale, ne manque pas de secrets et de nouvelles tentatives…       

            Un jour une jeune femme divorcée, voulant faire preuve de sagesse et d'expérience en la matière, et cherchant à calmer l'esprit d'un jeune pratiquant de Taqarfiyt, ayant un peu l'air angoissé et révolté, protestant vainement devant une foule d'hommes et de divorcées, rigolant et s'amusant, contre ce labyrinthe du phénomène de Taqarfiyt qui, pour lui, ne mène nulle part, et n'aura jamais de fin ou de but concret, lui répondit d'une voix moqueuse que : « vous les hommes vous creuser un puits jusqu'à peine arriver à y trouver de l'eau… et vous vous en lasser, tout en perdant tout… à savoir votre but même, tant espéré et recherché... » Cette femme Tamdgoult qui est divorcée trois fois tel qu'on disait d'elle, et qui est presque omniprésente dans toutes les rencontres de Taqarfiyt, voulait elle enseigner quelques chose au petit jeune homme impatient et désespéré cherchant un bénéfice immédiat et à cour terme? Et sa protestation lui, même avec grande humour, sa critique ironique et vilaine de Taqarfiyt, considérait comme cercle vicieux et pratique vaine dépourvue de chaleur et de résultat concret, ne cache t- elle pas quelques choses de presque confus, de délicat et d'infranchissable auquel se heurtent et s'affronte chaque pratiquant?          

            A vrais dire, au-delà de toute transgression possible des limites tracées par les normes de Taqarfiyt et de son statut moral, et loin de toute aventure exceptionnelle et extraordinaire, pouvant mettre les pratiquants dans des situations inhabituelles et étranges… par rapport à leur spécifique milieu social, rien ne pourra positivement, mettre fin à ce rituel social qu'un mariage concluant un long apprentissage de patience et de négociations sérieuses venant à l'éclaircissement des intentions et des ambitions futures. Doit-on aussi ajouter que dans le large de ce phénomène culturel, on peut rencontrer le mal ou le bien, comme on peut connaître et cultiver les délices d'un beau plaisir ou subir d'énormes frustrations. A vous de savoir y jouer, et aux autres de vous juger. Mais dans tous les cas, méfiance et vigilance, pour celui ou celle qui ignore les limites morales et les pièges, d’une telle pratique au sable mouvant…     

                Taqarfiyt donc, est une arme à double tranchant. Car si d'un côté elle peut faire l'objet de comportements positifs, ou l'on assiste à de divers inter-échanges d'accès mutuels entre différentes entités tribales, émaillés par l'esprit de tolérance, de sympathie et d'altruisme, loin de toute monopolisation du sexe féminin apte à cette activité, il n'en va pas de même pour ce qui est de ses dérapages occasionnels, avec toutes les disputes et les conflits qu'elle peut susciter à n'importe quel moment entre les pratiquants et les jeunes de divers clans. Chaque fois où des problèmes relatifs à cette pratique sociale surgissent, de brèves réunions libres et spontanées s'organisent et se tiennent sur place entre ces jeunes. Echangeant des idées, On discute, on murmure, on incite, on incrimine, on juge autrui de l'autre hameau ou faisant partie de l'autre fraction tribale pour ces actes commis, on évalue le comportement des autres tout en réinitialisant l'histoire vécue et le passé commun afin de redéfinir les nouvelles stratégies et préconiser les tactiques convenables d'action et d'échange envers les voisins. Ce qui ouvre la voie et donne le plein droit, à toute révision unilatérale des anciens contrats de Taqarfiyt, puisque un nouveau contexte social imposé, vient d'être établi.  

            Le constat de ces disputes observées peut déboucher dans deux solutions différentes: si l'infraction survenue est d'une légèreté qui peut susciter la tolérance et le dépassement de ceux qui sont touché par son mal, les relations d'échange à base de ce phénomène continuent spontanément entre les jeunes des clans différents, et si par contre le problème signale une certaine gravité morale qui blesse l'amour propre de la tribu, les ennemis condamnés, par ceux qui se sentent victimes, ne seront plus dés lors autorisés à jouer à Taqarfiyt avec les Timdgal du hameau, en situation de protestation, ce type de relations sera donc voué immédiatement à une révision des engagements, ou à une rupture au niveau de ce type de relations d'échange, et cela bien sur jusqu'à nouvel ordre… 

            Parfois, il faut bien le noter, ce ne sont pas les mauvais traitements intrinsèques à Taqarfiyt, provoquant des situations scandaleuses, qui sont à l'origine de ces déviations et ces ruptures, mais ce pourrait être d'autres litiges liés au domaine des activités agricoles ou pastorales, amenant la totalité de la population d'un hameau ou d'une fraction tribale en deuil, au chaos total de ses divers relations d'inter-échange vis-à-vis des autres clans, ce qui par la suite nécessite une période plus ou moins longue de tensions et de mise en garde. Suspendant entre autre tout acte d'accès à Taqarfiyt. Mais, à vrais dire, si tel est l'aspect externe d'un tel conflit et d'une telle résolution, au niveau des relations étrangères avec autrui, qu'on est- il pour ce qui est des relations internes au sein de chaque hameau?                                      Dès que les hommes et les jeunes des hameaux en situation de conflits décident de rompre leurs relations avec les voisins ou les ennemis, un message relatif à ce sujet est directement transmis aux femmes susceptibles de rencontrer ces ennemis quelques parts et d'y jouer avec eux à Taqarfiyt.                          Ce message une fois passé à Timdgal, prend la forme d'une nouvelle consigne qui ne doit être ignoré sous aucun prétexte. Celles-ci doivent le prendre en considération et veiller à sa bonne application comme note et instruction d'une nouvelle situation donnée dans le processus des relations sociales avec autrui. Ces mesures et ce message comme nouvelle loi promulguée à pour but de restreindre le champs d'accès à Taqarfiyt et d'y tracer  les nouvelles limites qu'il ne faut, en aucun cas, dépasser par les veuves et les divorcées, puisque c'est à travers les comportements de celles-ci, au sein de leurs hameaux ou ailleurs, pendant les fêtes ou des invitations à l'occasion des grands recueillements et rencontres sociales, que l'honneur ou le déshonneur de la tribu et de ses males défenseurs de leur clan se joue.?!      

             Mais à supposer que nul n'est censé ignoré la loi, encore beaucoup plus une foi étant bien assimilée et entendue, et puisque en comparaison avec cela, et d'un autre côté, nul n'est parfait, qu'arrive t- il à ces femmes Timdgal une foi tombées dans le piège de ce qui allait devenir tabou?   

            Eh bien, que ce soit en flagrant délit, ou fait accompli, rapporté par des témoins, la femme transgressant cette loi, se trouve inévitablement, après avoir établi une communication quelconque, spécialement en matière de Taqarfiyt avec les supposés ennemis, sujette à une sanction des jeunes hommes de son hameau. Comment s'appelle cette sanction donc? Quelles sont ses influences sur la victime? Quel est son but final auquel elle aspire?      

            Chaque fois qu'un nouvel ordre social vient d'être établi au sein d'une tribu ou d'un hameau, toutes les activités qui en découlent de ces structures sont appelées à une nouvelle révision et au contrôle permanent. On ne contrôle pas seulement son terroir, ni son parcours ou Agdal, en vue de défendre et de protéger ces richesses et ressources économiques, mais on se préoccupe et on se souci plus encore de ses enfants se trouvant avec leurs troupeaux dans des parcours lointains face à tous les dangers… et des femmes aptes au phénomène de Taqarfiyt, devant suivre à la lettre les notes de mise à jour et respecter  la carte « géopolitique » des nouvelles relations nouées, et de nouveaux contrats et accords conclus, verbalement, soit au niveau intérieur ou avec le voisinage et les clans de l'entourage.                 Alors, tenant compte de toutes ces mesures et ces méfiances, tous les individus collaborent et œuvrent à la bonne conduite et à la paix au sein de leur tribu. Mais quand est-il pour les quelques rares cas de transgression de lois, comme pour une femme Tamdgoult, menant un dialogue de Taqarfiyt hors du commun, avec un devenu ennemi d'une autre tribu, sous la contrainte peut être  d'un délire relatif aux moments de joie d'une rencontre festoyée ailleurs, loin de son propre hameau, ou par implication et soupçons, parfois inévitables à causes des liens issus d'une affiliation familiale étrangère, récemment sabotée par une nouvelle circonstance emprunté par un éventuel malentendu intertribalement survenu?              La sanction et la mesure à laquelle s'attendait de tel cas de femmes, est celle qu'on appelle localement: Ahref ! Que veut dire donc Ahref ? Quelle est sa nature, sa portée et ses dimensions dans les milieux des jeunes d'un hameau ou d'une tribu?        

3-1- Signification sociolinguistique d’Ahref:    



  

                En effet, si comme elle a été défini auparavant: Taqarfiyt est un dialogue et discours d'amour entretenu entre les jeunes hommes et les Timdgal, étant femmes divorcées ou veuves encore jeunes, Ahref lui reste un autre type de discours particulier qui se met directement et sans préavis dans la peau de Taqarfiyt, se nourrit de ses délits et de ses défaillances, sans jamais atteindre en matière de communication et d'échange de mots, les paramètres d'un vrais dialogue. La victime objet de sa manifestation n'aura généralement, pour le peu de marge de manœuvre qui lui reste devant les jeunes hommes de son hameau, qu'à savoir résister à ses moqueries, et aux inculpations. Discours ironique, parfois même caricatural lancé à Tamdgoult comme sorte de punition et de sanction verbale, visant son intimidation, son oppression, toute cette sous-estimation faite subie, à pour fin de corriger les inculpées parmi ces victimes et de redresser leurs défauts et leurs déviations, visant dans un futur proche, un meilleur comportement qui respectera  les accords des hommes et des jeunes de sa tribu.    
            Ahref qui peut être lancé à n'importe qui dans des circonstances précises, mais dont les termes et les mots sont soigneusement et typiquement choisis, est aussi, dans le cas d'une tamdgoult ignorant les restrictions de la pratique de Taqarfiyt décrétées nouvellement, par les males de son clan envers les ennemis, une mesure correctionnelle et disciplinaire, psychosociale et affective adoptée, dont parmi ses conséquences finales visées: sa transformation en tant que flux de mots ironique et persécutant en un genre de blocus psychosocial et sentimental fait ressenti par la victime sujette à cette peine pouvant aller jusqu'à freiner partiellement ou totalement, selon les cas, sa liberté d'action sociale, surtout sa participation aux réjouissances communes de sa tribu.         
Le processus donc d'Ahref a pour objectif final chez ses auteurs, le redressement des tors, l'aboutissement en fin de compte à la sensibilisation de la victime vis-à-vis de son erreur, et à une prise de conscience, mais avec en premier lieu l'écartement des inculpées parmi Timdgal du rang juvénile en vue de les priver provisoirement au moins d'un enthousiasme commun, et de les mettre hors de la participation massive et rigolante aux danses exaltantes, et aux grands  rassemblements consacrés aux fêtes et à Taqarfiyt, ce qui minimisera et restreindra aussi leurs chances habituelles d'apparence sur scène… et cela bien sur jusqu'à nouvel ordre, là où le hasard ou la chance liés aux péripéties d'une vie communautaire tribale close, offre un remède à la situation de cette victime sous forme d'une excuse, de regret ou de nouvelle entente, pour voir en fin la levée de cet embargo et la libération des activités de la victime pour se donner à nouveau et comme toujours à une large communication au sein du hameau.       
            Infligée, quelle peine dramatique et psychosociale, ce phénomène d'Ahref peut-il avoir sur les victimes? Quoi qu'il n'est qu'une critique verbale caricaturale menée dans un langage bien choisi et structuré, mais toutefois vilain persécutant et douloureux, ayant pour but une vexation psychologique revêtant le caractère d'une mesure de répression masculine contre toute inculpée, et d'un obstacle imposé handicapant à Timdgal qui le méritent leur libres activités d'interaction avec le groupe des jeunes pour les voir isolées, cantonnées et priver de l'un des meilleurs droits, celui de participer effectivement et pleinement à une belle occasion d'enthousiasme et de joies pouvant caractériser une fête de mariage, ou d'Ahidous représentant surtout le vrais moment opportun pour bien apparaître et s'exposer devant les gens de la tribu, et pour se faire aussi connaître en plein foule de jeunes cherchant cavalières de danse ou fiancées pour le mariage.       
Aujourd'hui certaines femmes révoltées parmi Timdgal, pour ne pas dire la majorité, ont tendance à refuser et à rejeter catégoriquement, au sein de leurs hameaux, ce genre de tutelle masculine, leur indiquant et spécifiant avec qui faut-il strictement jouer à Taqarfiyt. Chose qui va sans doute s'élargir et s'approfondir avec le temps en prenant une grande allure, au fur et à mesure du désenclavement des hameaux et de leurs tribus, pour échapper au moins aux menaces d'un certain Ahref, et se libérer d'une autorité des males qui n'est pas familiale en tout cas, mais à portée spécialement tribale, si l'on tient compte de ce que nous avons dit auparavant à propos des conflits intertribaux à base de Taqarfiyt, de ses ramifications et ses modalités, pouvant avoir leur source dans d'autres champs d'activités extrinsèques à celui-là. Et puis arrivant maintenant à ce qui peut faire et jouer le rôle d'un remède magique et moyen lubrificateur des maillons de la chaîne d'un cycle, ou  tous les maux internes et les malheurs intertribaux sont à faire oublier et à jeter à l'arrière-plan d'un paysage tribal, pour montrer une autre face de la vie communautaire.                
Ce remède magique, ou cette thérapie, n'est bien sûr que le fameux Ahidous qui, non loin ni du phénomène de Taqarfiyt, avec ses moments d'extase, ou parfois son procès brûlant d'Ahref…, ni du grand Agdoud qui close toute un cycle annuel de travaux agraires et d'activités pastorales, présente lui aussi une multitude de facettes significatives,  le caractérisant et le distinguant, de toute sorte de tradition, et de types d'Ahidous même, dans les autres tribus et régions Amazigh.             
Ainsi, quels sont par exemple les types d'Ahidous qui se jouent dans cette région, et les règles qui les organisent? Quels sont les structures latentes et leurs éléments significatifs qui se cachent derrière son aspect ludique et ses apparences ?                                                  


samedi 6 août 2022

                              Le coquelicot et la nielle des blés: (Famille des caryophyllacées)

Cosmogonie paysanne Amazigh

Chez les Ait Hdiddou

 Mohamed.Slak


 5- Cosmogonie paysanne

 et imaginaire de quelques rituels agraires

5-1- L'augure des plantes entre le bien et le mal !

Certaines de ces activités, il faut bien le mentionner, ne manquent pas à travers leur cours de quelques rites et coutumes, qui affectent même la nomination de quelques uns des mois du calendrier agraire local tel: Bouwgdoud (le mois septembre d'Agdoud), et Boulaansart (le mois juin), vers la fin duquel on brûle un mélange de différentes espèces de plantes devenues enfin sèches, pour fêter la bonne poussée d'herbe et de plantes de l'année, en espérant toutefois, une meilleure verdure, une bonne et fructueuse récolte, prochainement, et pour chasser aussi, de l'environnement les mauvaises créatures et esprits maléfiques, capables de stériliser la terre et le sol. Aussi ne doit on pas encore distinguer entre deux types de plantes dans l'esprit du paysan: les bonnes plantes à usage médicinal et d'importance vitale au niveau nutritif, dont les paysans aiment garder à sec quelques  meilleurs échantillons de l'année, en guise de beaux souvenirs, d'une bonne récolte et saison agricole, et qu'ils peuvent garder et cacher dans un coffret, ou accrocher, pour embellir et décorer le mur de l'une de leurs chambres préférés, comme un bouquet de meilleurs épis de blé par exemple, ou quelques épis de mais. Ce que j’ai eu l’occasion et la coïncidence même de remarquer et de mentionner, dans  l'un des écrits de la littérature Marocaine de langue Française, des contrées de l'Atlas, au sud du haut Atlas central, dans un domaine socioculturel, cette fois-ci oasien et présaharien, qui n'avait pas, artistiquement, manqué de décrire et d'en parler: il s’agit notamment d’un roman de Moha Laid intitulé: (le sacrifice des vaches noirs), où il disait: «(…) plus loin, Bassou avait remarqué de vastes champs de mais. Une femme très belle et bien habillée évoluait dans les vastes splendeurs de cette verdure. Il s'approche d'elle: c'était sa femme, celle-ci lui tendit un gigantesque épi de mais semblable à celui qu'il avait soigneusement caché dans le coffret, Bassou l'admira d'abord, et le mis dans le capuchon de son burnous. (…) » (8). Avant encore, dans une autre page, il disait:« (…) cet épi était le seul souvenir qui lui restait des années fastes et prospères. Quand il le comparait à celui qu'on vendait dans les Souks, il ne pouvait s'empêcher d'éprouver à la fois un sentiment de fierté et de profond chagrin » (9).

Auprès de ces plantes alimentaires très utiles, et de bon augure, existaient encore celles qui sont parasitaires, et de mauvaise humeur. Celles dont les paysans se méfient, soit parce qu'elles sont toxiques et empoisonnantes, ou les considérant dans un tel imaginaires agraire, historiquement vécu et ancré, comme nuisibles, porte malheur… et signe d'angoisse. Parce qu’elles détruisent les bonnes plantes et ravagent la récolte, comme produits de nourriture et source de la vie…

5-2- La saga de la couleur indigo

Une découverte phobique dans le hameau de Tabrracht

 C'est ce que nous avons rencontré et remarqué, chez les habitants de Tabrracht, représentant un Hameau, de l'une des deux fractions tribales, du canton des Ait Brahim à Ottarbat, auprès desquels nous avons appris qu'ils peuvent teindre la laine de toutes les couleurs faisant partie des rayures des mentes que portent leurs femmes, sauf de la couleur indigo, qui reste en tout cas, une énigme et étonnante exception…représentant pour eux, à la manière d'un tabou ou d'une phobie de porte malheur, une barrière psychologique et sociale infranchissable, en tout cas, sauf que par un coup de main, et une aide apportée par une intervention de quelques femmes étrangères. La solution donc à ce problème, se trouve ailleurs, et se résout hors de leur hameau et même de leur canton tribal. Ceci dit qu'il sont obligé à chaque fois d'emporter leur laine avec eux, et se déplacer à presque une trentaine de kilomètre pour se rendre au hameau d'Almghou chez les habitants de la tribu dite: Iznaguen pour trouver quelques femmes chez ceux-ci, pouvant leur teindre les fils de laine de la couleur indigo ou Tikhibcht comme on l'appelle chez les Ait Hdiddou.  

D’où vient cette couleur donc? De quoi fait-on cette couleur de mauvais augure? Quel rapport cela peut-il avoir avec l'activité agricole et son rendement comme facteur décisif de la sécurité alimentaire et de la préservation de la vie humaine? A vrais dire l'explication qu'on peut trouver à cela ne sort pas du contexte agraire et de son grand imaginatif qui devait même être à la base d'une cosmogonie paysanne locale.

Chimique ou organique que soit le produit teinturier de cette couleur, rien ne lui ressemble, et ne peut lui faire allusion dans la structure interne de l'inconscient agraire, qu'une possible connotation entre la couleur indigo de la fleur rouge du coquelicot, comme plante nuisible, ou de la nielle comme plante de la famille des caryophyllacées, qui poussent comme des parasites dans les champs, pour attaquer le blé de sa maladie, et celle des teintes fabriquées de produits issus de la nielle elle-même, pour teindre les fils de laine. D’où une métamorphose des plantes en produits à usage très divers…et chose qui explique aussi dans les pratiques humaines, le chemin sinueux et complexe du passage de la nature à la culture, à travers le pont/médium que représente le vêtement/la mente dans notre cas ici. Si ce n'est pas encore dans un autre plan d'immanence et de substitution, que toute la question se dissout et se résout, en assistant cette fois-ci aux deux faces d'un même objet, et d'une même étendue que peuvent représenter: un champ de cultures et la pièce tissée de la mente. Tout l'enjeu est là, avec les différentes couleurs et motifs de l'un et l'autre, leur géométrie plane à l'image d'un tapis, leur fécondité, et la richesse symbolique de leurs composantes. A savoir une coexistence dans les deux plans, de ce qui est bien et désirable, et de ce qui est nuisible et indésirable, un monde de signes et de symboles alors! Reflétant d'un coté, la dualité du bien et du mal, et de l'autre, la trinité du végétal, animal, et de l'humain…rassemblée, réunie en brassage, et inscrit dans le vêtement féminin qui est la cape, qui n'était à priori, et au départ qu'une simple étoffe de laine, à l'image d'une page blanche servant à l'écriture: une page vierge, fournie par un ovin, colorée par une plante, habillée et portée par une femme.                  

A vrais dire, la main qui se charge toujours de semer le blé dans les champs, en pleine quiétude et espoir d'une récolte meilleure, en fin de chaque saison agricole, à l'aide,  à chaque fois, en plein champs, d'une bonne prise de poignées régulières de grains, accompagnées de quelques prières murmurées par le paysan, en guise de rituel garantissant l'espoir en une saison agricole bien prospère, n'aura peu être jamais à toucher à aucun signe de malheur et d'antidote du blé, que peut représenter la saga d'une couleur indigo (Tikhibcht), faisant allusion à celle de quelques ennemis du paysan parmi des plantes parasitaires et redoutables du blé, tel le coquelicot ou la nielle, chose encore fort inadmissible, pour ce qui est de la main droite et du pain sacré… donc si quelques fils de laine devaient être teintés de l'indigo auprès des autres couleurs, pour entrer enfin dans le tissage et la symbolique des couleurs d'une mente, que porterait ensuite une femme de la tribu des Ait Brahim, cela ne doit être absolument fait et accompli, que par une main étrangère se trouvant, hors de la tribu et loin de son hameau…quand on a demandé à une femme âgée d'Iznaguen d'Almghou, au bord de l'Acif Melloul, de nous expliquer pourquoi ces femmes, rares d'ailleurs dans le hameau depuis toujours, de plus qu'il ne restait aujourd'hui même qu'une ou deux, ont à elles seules cette exclusivité dans toute la région de teindre les fils de laine, que ce soit de l'indigo: ( bette noire ) et élément phobique, ou de toutes autres couleurs, la réponse était que celles-ci, sont généralement de pauvres femmes très nécessiteuses et contraintes par la précarité de leur vie a faire ce que les autres fuient… et n'aiment pas faire !, noircir la blancheur de la laine, trahir son innocence de soie !?… une raison, peut être de plus, d'attiser les malheurs, et tous les maux des mauvais esprits, pouvant se traduire en une malédiction quelconque, car sinon, pourquoi a-t-on cette coutume dans plusieurs régions du pays d'ailleurs, à enfiler un morceau de laine blanc et propre, quelque part autour, d'un bien valeureux et cher, qu'on achète ou qu'on vient d'acquérir? Cette coutume préventive, et ornementale par le biais de la laine, qui se veut protectionniste, contre le mauvais œil, et les regards jaloux des autres, ne se limite pas uniquement, aux animaux comme: une vache enceinte ou son petit veau, nouvellement né, une jument ou son poulain, ni aux humains: comme pour: une femme enceinte, ou son bébé, mais on peut remarquer parfois que, même l'achat d'un morceau de « fer motorisé » comme: une voiture ou un camion, est accompagné de ce rite, traduit par ce culte d'êtres et d'objets, après lequel, ces êtres ne peuvent ni apparaître au public, ni circuler librement en dehors de leurs foyers, et ces véhicules ne devant commencer à rouler, qu'après l'inévitable, port en collier ou en doux bracelet, de ce fil ou cette touffe de laine. Moyen magique, en tout cas, d'être à l'abri de toute catastrophe… !       

-5-3-Rituel de la Commémoration annuelle d'Abadir

Sur le mont de Taltast à Tabrracht.

(Des offrandes et des excuses pour les ancêtres)                                  

Aussi devrait on citer encore la commémoration annuelle d'un repas rituel appelé Abadir: (grand pain arrondi à base de multiples céréales, d'environ un mètre de diamètre) fêté d'une manière exclusive par les habitants du Hameau de Tabrracht comme tradition spécifique qui leur revient. Quand on s'interroge, auprès des habitants, sur la raison et les mobiles de ce rituel annuel? La réponse nous vient tout de suite de certains  informateurs qui nous ont appris d'abord que ce rituel se pratiquait avant,  il y'a bien longtemps pendant le 10 Mars du calendrier agraire, c'est-à-dire le 23 Mars du calendrier Grégorien. Ce qui coïncide avec l'annonce du début de la saison du printemps. Mais depuis quelques temps indéterminés, la date de ce cérémonial a été déplacée pour le fêter vers la fin du mois de Mai. Et puisque c'est au tour des restes de quelques très anciennes tombes des ancêtres des habitants que doit se dérouler le cérémonial, pour leur demander pardon et excuses, puisqu'on ne les respectait pas chaque fois que leurs troupeaux qui paissent dans cette zone traversaient cet endroit et piétinaient ces tombes de certains martyrs dont l'histoire remontait plus loin dans le temps, aux premières années du Siba. Comment se pratiquait donc ce rituel ?

Chaque année, ces habitants commémorent cette extraordinaire et particulière  tradition, relative essentiellement au domaines agricole et pastoral, ou nous avons eu l'occasion d'assister à une grande mobilisation de toutes les familles de l'Ighrem à l'exception de quelques rares individus, de vieillards infirmes et de quelques malades incapables d'escalader les versants de la montagne de Taltast pour se rendre sur l'un de ces plateau qui abrite cette manifestation.

A pieds et à dos de mulets, transportant des sacs de farines des trois principales céréales, hommes, femmes et enfants suivirent du bon matin leur caravane qui chemine vers les sommets du mont de Taltaste. Une fois sur le plateau de la montagne, on commence à diviser le travail et à répartir les taches. On cherche du bois et de l'herbe sèche, surtout les femmes et les enfants, tandisque des hommes mettent la main à la pâte, on mélange de la farine sans levure pour faire le grand pain des Ait Hdiddou appelé Abadir, à base du mélange des trois céréales qui sont le blé, l'orge et le mais. Ce pain est très différent non seulement dans sa forme, mais aussi dans le mode de sa préparation par rapport aux deux autres types qui sont Ahttoch:« pain normal contenant des extraits de certaines plantes médicinales cueillies dans les montagnes (…) et Bahmmou: pain rond, son diamètre dépasse 15cm. Il est préparé enroulé, et enveloppant une pierre à la forme ronde. Ce pain est également préparé sans levure » (10).

 Chaque Abadir cuit doit être déposé verticalement et penché sur un tas de pierres appelé Agrour couvrant largement et remarquablement un tombeau au centre et au milieu de l'ancien cimetière, cet Abadir que les enfants prennent en courant, en chantant et rigolant à chaque cuisson de l'une de ses grandes pièces, faisant avec, quelques tournées autour des tombes et de l'Agrour:( grand amas de pierres couvrant probablement la tombe du plus ancien aïeul et ancêtre).

L'opération de la cuisson de toutes les pièces d'Abadir se poursuit ainsi, jusqu'au deux dernières qu'on laisse cuir, au fur et à mesure que le signal est donné à certains hommes pour commencer à découper toutes les premières galettes en petits morceaux, afin d’en faire des rations et des parts; au moment ou d'autres procèdent au comptage de tous ceux qui sont venus participer grands et petits à ce rituel, pour savoir le nombre exact des rations. Le pain découpé se pose sur le sol en petite part que sépare des petits espaces et des petites ouvertures pour assurer le passage et le déplacement de ceux qui découpent et déposent le pain sur le sol. Ces parts et ces rations sont posés successivement sous forme de cercles circonscrits les uns au sein des autres du plus petit au plus grand, et toujours autour d'Agrour comme point central de tous les cercles.

Maintenant que les (Abadir) sont déposés en parts de petits morceaux, on découpe alors les deux qui restent cuits en dernier, ceux- là feront en réserve les parts de quelques visiteurs venus à l'improviste, ou quelques invités, passagers inattendus en dehors du cérémonial. Après un petit moment, la distribution de ces rations aura bien lieu, l'homme chargé de cette tache appelle les membres de chaque famille pour recevoir un par un leur part d'Abadir. Et ainsi de suite jusqu'au dernier individu et la dernière famille. Puisque, c'est toujours au nom de la famille qu'il faut se référer à chaque mobilisation collective.                            

 Le soir vers l'après midi, après avoir bien fêté cette occasion, les habitants retournent chez eux en ramenant, comme autrefois (Mai 1991)… ce qui restait de leurs parts d'une vingtaine de roues de pain d'Abadir. Ce pain est très connu chez les Ait Hdiddou, on le prépare et on l'échange surtout pendant les fêtes de mariage, la famille de l'époux l'offre par l'intermédiaire des Isnayen: (ministres de l'époux) à celle de l'épouse.

En effet, qu'une petite entité tribale ou population d'un hameau s'aventure à liquider toutes ces quantités de céréales restantes pour une telle cérémonie, ne s'explique, au moins d'une part, en plus de la sollicitude d'excuses aux ancêtres, la peur de la malédiction de dieu suite à la colère des aïeuls, dont les tombes ne sont pas respectés aux traversées des bergers avec leur troupeaux dans le pâturage…que par une énorme confiance et certitude de ce qu'allait déjà, et à priori être le résultat et la fin d'une nouvelle saison agricole, conçue vers la fin du mois de mai comme réussie et sauvée, puisqu'il ne restait pour atteindre le moment de la moisson et de la nouvelle récolte, que peu de temps. Ce qui laisse entendre que les derniers grains des différentes céréales de l'année en cours et qui tendent vers la fin, doivent céder la place à ceux de la nouvelle année, qu'importe donc une telle aventure, puisque en outre le climat à cette étape de l'année ne fera que s'améliorer jour à prés jour. Pour aller chercher ailleurs d'autres issues de survie, et d'autres alternatives de subsistance par les jeunes et quelques chefs de familles, s'il en faudrait…!  

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Référence: Mohamed.Slak: (le cycle agropastoral des traditions des Ait Hdiddou) 

 (Itinéraire d'un circuit socioculturel):(titre secondaire)  

- Etude Ethnographique sur les Ait Hdiddou.

-Texte extrait de la deuxième partie intitulée: (Données socioéconomiques

 sur la région d'outtarbat).

lundi 7 août 2017

Essais poètiques

Le have-not

Par-là, par-ci, le voici !
Pasteur aux déplacements sans répit.
Troubadour de tous les temps…
Sans savoir parfois où aller, ni jusqu'à quand ?!
Des plaines de la joie, et des collines de la folie…
Jusqu’aux hautes montagnes en képis, fief du chagrin et de l’oubli.
Sillonnant des espaces et des destinées,
Aux géométries, souvent inopinées.
Relief abrupt, terrain accidenté, routes et pistes escarpées,
Il frôla, à maintes reprises, la mort qui le guettait.
Seule la bienveillance de Dieu, en miracle, le secourait.      
Parfois même, il se demandait :
Comment est-il arrivé à ce qu’il soit et faisait ?
Et l’écho de la raison lui apprit :
Que c’est grâce à une sorte d’alchimie,
Du hasard et de la nécessité,
Dont le sort des êtres est bien affecté;
Que son parcours a été défini,
Temps absolu, et espace infini.
Partis au départ, mains vides et sans moyens.
Il s’essayait pour tenir debout, à peine comme citoyen… !
Le tintamarre de toutes les misères de la vie,
Lui offrit pourtant une chance de survie…
Mais, sous condition, de miser sur son seul et unique capital.
Sinon la vie lui sera tellement fatale.
Et c’est ainsi, n’ayant rien à ses côtés.
Qu’il hypothéquait, symboliquement, sur sa dignité.
Pour convaincre, être admis et gagner sa vie, comme recruté.
La vie est très dure, ça il le sait.
Et c’est pourquoi, sans cesse il bossait.
Jour après jours confiant, sans se lasser.
Même si parfois, et qu’importe, des choses le tracassaient…
La vie, en soi seul, ne lui veut rien dire.
Alors, il s’expatriait dans l’autre, espérant s’investir et rebondir.
Pour lui, Il n’avait rien à regretter…
Ni les bâtons dans les roues, qu’on lui a jeté.
Ni les obstacles sophistiqués qu’il a su et pu surmonter.
Sur les chemins qu’il avait faits, de belles choses bien aimées
Lui ont été volées… voire confisquées…
Comme pour ses semblables, qu’il a l’habitude de consoler.
Mais c’était, il y’a bien longtemps, qu’il le savait.
La vie n’est pas tout à prendre ou à laisser !
Touristes et nomades, à travers leurs traversées, le sentaient.
La vie hélas, est éphémère, ses marasmes, ses trajectoires nous hantaient… ! 

                                                         Azrou,  Le 14/08/2015
                                                              Mohamed Slak